Amorcer l’écriture
en grande section de maternelle

(réflexion collective du groupe ayant travaillé autour d'un projet d'écriture en maternelle)

DOSSIER PE2  de NERET Cyril Session 2001

Professeur correcteur : Mme Olga BOKSTEJN

 

I.         Introduction   

    Lire, écrire et compter sont les grandes priorités de l’école du premier degré. Les possibilités d’amorcer l’écriture chez l’élève non-scripteur sont nombreuses.

Au cours de l’année scolaire 2000 2001, nous (une groupe de trois PE2 épaulé par Laurence Champomier, MAT et Fabienne Dachet, IMF) avons décidé de mener un projet d’écriture avec une classe de grande section d’une maternelle (ZEP Binet à Meaux, 77). Là, nous avons pu constater qu’avant de savoir écrire, il fallait d’abord donner une raison véritable aux enfants d’aborder l’écriture. Les amener à comprendre ce qui fait l’intérêt de l’écrit, ce que l’écrit pouvait leur apporter, s’est révélé être une condition première mais aussi incontournable à toute activité impliquant l’écrit. De même l’intérêt s’est accru du moment où a été mené en parallèle un travail sur la reconnaissance des lettres et des mots afin que les enfants puissent également identifier certaines parcelles des mots écrits par le maître et utiliser des indices pour les enfants.

II.    Le projet de départ

1.  Quelques buts et objectifs :

ü       Pour le maître : amener les élèves à intégrer un projet d’écriture et le faire leur.

ü       Pour les élèves : découvrir l’intérêt social de l’écrit, inventer une histoire, savoir la relater de mémoire à d’autre et savoir se servir de l’écrit comme support de la mémoire.

ü       Les moyens : dictée au maître, un ouvrage inducteur dont seules les images sont accessibles aux enfants (le texte original est en anglais américain).

Le projet consistait donc de demander à une classe de Grande Section de Maternelle d’écrire une histoire depuis un album écrit en anglais avec l’aide de la dictée au maître. Le fait que cet album ait été écrit en anglais a été un bon prétexte pour ne pas leur dévoiler l’histoire d’origine. Cependant, nous ne pouvions nous contenter de cette seule et unique raison qui n’en était pas une pour les enfants. Il fallait donner une raison aux élèves d’inventer l’histoire, pour qu’ils deviennent des acteurs actifs et demandeurs et non plus des auditeurs passifs. Ainsi, l’écrit a été invoqué dans un but de partager leur histoire avec des correspondants franco-américains, lesquels de leur côté ont écrit une histoire depuis le même ouvrage. Au final, le but, du point de vue des enfants, sera :

  1. de procéder à un échange des histoires.
  2. de confronter leur version à celle produite par les petits franco-américains
  3. de confronter leur version à la version originale permettant d’effectuer un travail sur la culture nord - américaine

2.  La progression :

Le projet s’est déroulé sur plusieurs séances.

Lors de la première séance, le but était de prendre contact avec le livre et stimuler leur imagination via une prise d’indices depuis la première de couverture.

Lors de la deuxième séance, les élèves sont partis à la découverte de la trame globale de l’ouvrage afin de confronter leurs premières hypothèses aux images suivantes et également d’avoir une première idée de ce qu’il pouvait bien se passer. L’idée était également de leur donner une première vue globale de l’histoire avant de les amener à produire. Cette vue globale était d’autant plus nécessaire à tous qu’elle leur permettait de se projeter dans l’histoire.

C’est avec les séances suivantes que les élèves ont véritablement commencé à se confronter à la production de l’écrit.

Ainsi, l’amorce du récit a débuté lors de la troisième séance. Le héros est confronté à sa mère qui refuse de lui donner à manger ce sur quoi l’enfant décide de partir dans l’espace au moyen de sa voiture volante.

Les trois premières séances ont été collectives. Le but était de permettre une entrée commune dans l’histoire afin de s’assurer d’une première mobilisation collective des enfants.

Ensuite, la décision a été prise de poursuivre l’histoire par partie et par atelier à tour de rôle. A chaque fin d’atelier, le groupe scripteur devait faire part de sa production au reste du groupe. Le but était que chacun, à un moment ou à un autre du processus de l’écriture, soit mis en valeur, se reconnaisse dans l’histoire et enfin participe un temps soit peu à son élaboration et faire d’elle l’histoire de tous et de chacun en même temps.

3.  Action !

La première séance a très bien marché si l’on considère que les enfants ont été intarissables et véritablement imaginatifs. La prise d’indices s’est révélée fructueuse. Les enfants ont bien remarqué qu’il s’agissait d’un héros à qui il devait sûrement arriver des aventures comme à tout héros qui se respecte « même que quand on leur tire dessus et ben ils ne meurent pas ». De plus, le héros était un enfant comme eux, leur permettant encore mieux de s’identifier à lui, stimulant de ce fait leur imagination et facilitant leur implication dans le travail mené.

La première séance en atelier (la quatrième donc depuis le début), s’est déroulée avec un groupe de huit élèves. Assez rapidement, de nombreuses questions auxquelles il fallait répondre dans l’instant ont vu le jour. L’une d’elle était de savoir ce qui faisait parti du domaine de l’acceptable et du non acceptable dans l’histoire au moment de la dictée au maître obligeant à un travail de recadrage fréquent.

Ce besoin de recadrage était d’autant plus normal que lors de cette première séance en atelier, seule une photocopie des pages concernées avaient été exposées aux enfants. De fait, ils n’avaient pas de vue globale de l’histoire au moment de raconter l’histoire.

Cette erreur fut vite corrigée. Une fois toutes les pages du livre affichées, accès était alors donné à la trame globale, ce qui était d’autant plus important que le projet souffrait de nombreuses interruptions dues à des stages. De fait, l’affichage permanent des pages dans un coin de la classe permettait aux enfants de rester constamment en contact avec l’histoire et de venir y retourner à leur guise.

4. Modification de la progression.

Le temps manquant, il nous a fallu changer de système de travail et achever la fin du livre en une seule séance – et toujours en atelier - sur les trois chapitres suivant de l’histoire. Après un rappel collectif du travail antérieur, un premier groupe devait travailler sur la suite directe de l’histoire (pages 7 à 9), un deuxième sur les pages suivantes (10 à 11) et enfin un troisième sur les pages 12 à 14). Le problème était que les élèves des groupes 2 et 3 devaient travailler sur des pages sans savoir ce qu’avaient inventé les élèves du premier groupe. De là l’absolue nécessité, si tant est qu’il faille encore justifier ce choix, de disposer toutes les affiches de l’histoire les unes à côté des autres. Cette disposition devait permettre aux enfants, qui ne savaient pas ce qu’avait inventé le groupe précédent le leur, de proposer une suite réaliste de l’histoire.

Cette séance, si elle a posé des problèmes d’organisation, n’en a pas moins fait émerger une notion de français importante : la notion de référent. En effet, des groupes différents ayant travaillé en même temps sur des passages différents, certains personnages se sont vus affublés de qualificatifs différents. Cela nous a permis :

ü       de faire un travail sur les personnages et les référents (un même personnage peut être appelé de manière différente, il n’en s’agit pas moins du même personnage) ;

ü       un travail sur le héros Jimmy, si l’on considère la remarque d’un enfant qui s’était aperçu que toutes les phrases commençaient toujours par « Jimmy ».

ü       De plus, cet aspect nous a permis de suggérer une différence essentielle entre l’oral et l’écrit : l’aspect atemporel (donc non immédiat) de l’écrit par rapport à l’oral et le fait qu’un écrit, pour être finalisé, doive être retravaillé.

Cependant, il s’agit de mettre un bémol sur ce travail de référent. Certes, l’objectif était plus de faire un travail de sensibilisation sur ce phénomène que de les rendre véritablement opérationnels. De fait, si les enfants ont su retrouver les différentes appellations du « chef des extraterrestres » et des « robots bleus », ils n’ont pas su faire autre chose que de donner un autre prénom à Jimmy le héros, voire à lui donner un qualificatif en su de son nom. Ce travail n’était pas à leur portée.

III.                 Constats et difficultés observées : 

L’ensemble de ce projet nous a permis d’opérer des constats et de soulever des difficultés auxquelles l’enseignant pourra être confronté lors de séances sur la découverte de l’écrit.

  1. Les enfants en maternelle éprouvent rarement le besoin d'écrire. Ils préfèrent écouter plutôt que produire des histoires.
  2. Ils manquent d'envie d'écrire lorsqu'ils ne se sentent concernés ni par le sujet proposé ni par la finalité de l'écrit…. De fait, les enfants ne se sont véritablement impliqués dans l’objet écrit (contrairement à l’histoire dans laquelle ils sont entrés immédiatement par la grande porte) qu’à partir du moment où la maîtresse avait fait en parallèle un travail sur la reconnaissance des caractères. Dès lors, les mots couchés sur le papier devenaient plus intéressants. Le travail d’identification de lettres devenait manifestement plus ludique, car les mots que le maître jetait sur le papier, les enfants pouvaient désormais y voir autre chose que des symboles étranges voire insensés, combien même la part du mystère était encore grande.
  3. Les enfants font face à un problème de décentration ou de projection. En fait, ils sont encore au stade du vécu et non du "raconter le vécu" (le sien ou celui d'un autre). Cela est également dû aux connaissances et à une expérience insuffisante qui ne permettent pas la création d'images mentales.
  4. La durée : les élèves ne peuvent se concentrer durablement sur une activité, les phases d'écriture doivent être courtes, les projets également (en maternelle).

IV.  Faire prendre conscience de l'importance de l'écrit

4.1. Au cycle 2 en priorité, puis à consolider au cycle 3 :

Recenser les écrits présents dans la classe, dans l'école, dans la vie courante….

F questions :

Pourquoi l’écrit ?

Pour qui ?

4.2. Tous cycles :

Dès le cycle I, l'écrit doit apparaître comme un besoin et mettre en valeur sa fonction de communication, le plaisir qu'on éprouve à créer, et partager. Pour cela, il conviendra de proposer un thème fédérateur ou un projet mettant en cause des partenaires (des autres enfants, les parents, un public plus large et extérieur à l'école) et aboutissant à une réalisation collective qui sera publiée voire présentée à un public désigné.

La recherche de la motivation et de l’activité des enfants est d’autant plus primordiale que, motivés, les enfants en seront d’autant plus actifs, ils s'approprieront plus facilement des projets et feront preuve d'esprit d'initiative. Pour ce faire, le choix du thème et des supports du projet doivent présenter un intérêt affectif et être d'un niveau de compréhension adapté pour que les enfants se sentent concernés et s'investissent.

V.        Quelques exemples d’Amorces d'écriture :

Il est possible d’amorcer l’écriture via :

1.       l’écriture de la suite d’une d'histoire existante ou dont le début a été écrit par d'autres enfants (la première partie devra évidemment s'arrêter à un moment de suspens dramatique).         

2.     la poursuite d’un récit ou une comptine ‘à la manière de’ ("il ne faut pas habiller les animaux", "un petit chat gris"… ).

3.     Prise en compte d’un thème ou d’un héros avec un accompagnement d’événements sonores ou d’une musique permettant également la pratique d’enseignements transversaux ("les aventures d'une petite citrouille la nuit d'Halloween").

4.     La création d’une histoire à partir d'une image ou série d'images (photos, tableau, illustrations d'un album), voire d’un album complet dont on ne comprend pas le texte est la variante choisie par l’enseignante de la classe dans laquelle je suis intervenu avec deux autres collègues. Il s’agissait de "Jimmy Zwangwow’s Moon Pie Adventure", ouvrage américain très sujet à l’éveil de l’imaginaire et dont les personnages, le jeune Jimmy excepté, sont des martiens.

        5.    Un objet insolite qui va déclencher un questionnement, des hypothèses, des recherches et servir de support à l'imaginaire

VI.  Quels outils et aides à l’écriture ?

Quelque soit le cycle, il me semble nécessaire d'aider les enfants à se créer des images mentales, à :

  1. Se représenter les situations : questions sur l'énonciation. Où cela se passe-t-il ? quand ? de qui s'agit-il ? avec qui ? contre qui ? Que se passe-t-il ? pourquoi ?…
  2. Exprimer les sentiments : l'expression passe par le vécu et la conscience d'avoir vécu la même chose. De là le nécessaire recours à la théâtralisation et à la verbalisation des sentiments.

3.     Utiliser leurs connaissances comme tremplin et support à l'imaginaire, comme moyen d'enrichir les écrits. Pour cela, il sera souvent nécessaire d'effectuer des recherches, d'enrichir ses connaissances autour d'un thème afin d'enrichir représentations, descriptions, références culturelles….

VII.                Conclusion

Un projet d'écriture est souvent trans et interdisciplinaire (ex : le voyage de M. Dujarret avec les paysages, les objets, la faune et la flore, la culture d'Afrique du Nord ; Moon Pie Adventure avec l'espace ; la ruée vers l'or (géographie, histoire, sciences, ref. littéraires…). Cet aspect multidisciplinaire offre une richesse certaine au projet, sans oublier la multiplication des points d’entrée et donc de motivation pour l’ensemble du groupe. Cependant, ce travail l’amorçage de l’écriture doit être complété par d’autres travaux permettant la compréhension des signes de l’écrit. L’enfant doit pouvoir être capable de se reconnaître dans le texte qu’il aura dicté au maître. Un bon moyen sera au départ de lui faire reconnaître les signes du dialogue voire, comme je l’ai fait lors de la dernière séance de récapitulation de l’histoire, de leur proposer une trace écrite avec des couleurs différentes suivant les personnages. Ils peuvent ainsi commencer à se repérer au moins partiellement dans le texte et avoir une attitude autonome face à celui-ci.

F identifier les caractéristiques de différents types d'écrits pour en produire à son tour.

 

La dictée à l'adulte peut s'avérer nécessaire pour certains élèves en difficulté au cycle I